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Éloge funèbre de Guillaume Tell

Editions de l’Aire 2022

Mon cher Guillaume Tell,

Devant ta tombe ouverte, laisse-moi te parler en ami. Le temps n’est plus aux vains discours, mais à la sincérité. La Suisse t’a exécuté le 26 mai 2021. Nos autorités ont décidé de t’enterrer en toute discrétion aujourd’hui. J’ai obtenu la permission de m’adresser à toi sans que nous soyons dérangés, et me voilà dans ce carré d’herbe qui a été choisi pour te donner une sépulture. Seul devant ton cercueil, je souhaite clore les différends que nous avions cru avoir et qui en réalité n’existaient pas. Moi, le Romand, l’Européen, autrement dit le mauvais Suisse, je tiens à te rendre hommage.

Qui a tué Guillaume Tell ? Une légende peut-elle mourir ? Comment pourrait renaître la liberté incarnée par le célèbre arbalétrier ? Quelle promesse se noue au bord de sa tombe ? 

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Bienvenue aux banquiers pro-européens !

« Nous allons voter pour des gens qui n’auront pas parlé d’Europe ! » a déploré Patrick Odier, dans Le Matin Dimanche du 27 septembre. Juste, l’indignation du président de l’Association suisse des banquiers interrogé par Ariane Dayer, rédactrice en chef, est légitime. Tristement, la question européenne est la grande absente de la campagne électorale, alors que le destin de la Suisse sur son propre continent se jouera durant la prochaine législature.
Toutefois, cette belle lucidité venant d’une corporation qui a largement contribué au marasme actuel ne manque pas de piquant. Pendant des années, les banquiers n’ont guère parlé d’Europe, si ce n’est pour la vilipender. Dans leurs analyses, l’intégration constituait souvent une attaque insupportable du secret bancaire, source éternelle de prospérité et fondement identitaire de la Confédération. Sur la place publique, ils célébraient volontiers l’action de l’UDC, tout en fustigeant les partisans de l’ouverture, traitres à la place financière.
Aujourd’hui, les apprentis sorciers qui ont désinhibé les nationalistes ne les contrôlent plus. L’europhobie a passé dans l’ADN citoyen. La Suisse a brisé la libre circulation des personnes en votation. Le naufrage des accords bilatéraux et l’isolement du pays sont devenus des risques réels.
« Nous n’avons pas réussi à faire comprendre à chacun, individuellement, en quoi les relations avec l’Union européenne sont un avantage dans sa vie quotidienne » ajoute Patrick Odier. Exact, cette pédagogie devient une priorité absolue pour avoir une chance d’éviter l’isolement lors d’une prochaine votation. Bienvenue aux banquiers sur un vaste chantier sociétal, que les pro-européens n’ont jamais délaissé, malgré les critiques et leur manque de moyens.
Autrement dit, il est impératif de reconstruire un discours clair et audible, qui valorise sans ambiguïté le projet européen. Le vieux truc du Conseil fédéral consistant à demander aux citoyens de dire « oui à un accord limité » pour mieux dire « non à une Europe menaçante » ne fonctionne plus. Cette tactique perverse n’a servi qu’à nourrir un ressentiment, dont le 9 février 2014 a montré l’ampleur.
Ultime précision, le nouvel élan en faveur de l’intégration européenne ne doit pas se limiter à vouloir « sauver les bilatérales », par une quelconque astuce juridique. Il convient au contraire de promouvoir des relations étroites avec l’Union, qui n’excluent pas à terme une participation politique pleine et entière de la Suisse.
En effet, la relation bilatérale est morte dans sa forme actuelle. L’empilement d’accords sectoriels et statiques n’a plus d’avenir. Nos partenaires ne signeront plus aucune convention sans un nouveau cadre institutionnel transversal, sécurisant de manière globale la reprise et l’interprétation du droit européen.
Conscient que les temps ont changé, le Conseil fédéral a fait d’un tel accord-cadre son nouvel objectif. Mais ce cœur artificiel verra-t-il le jour ? Techniquement, ses mécanismes ont bien des chances de réduire définitivement la Suisse à un membre passif de l’Union. Politiquement, son acceptabilité paraît mince pour des citoyens qui ont déjà mis à mal le statu quo.
Au final, ce fameux accord-cadre risque d’être à la voie bilatérale ce que la stratégie Rubik fut au secret bancaire : une tentative de rappeler à la vie un cadavre, que même une foi ardente ne pouvait matériellement faire sortir du tombeau.
Demain, la Suisse n’aura peut-être plus que le choix entre deux options : l’isolement ou l’adhésion. Un tel dilemme pourrait se présenter, même si l’opinion le craint par dessus tout. Le PLR refuse catégoriquement de l’évoquer, comme si le seul fait de le nommer favorisait son apparition. Il fait de l’accord-cadre le Saint Graal, dont la quête interdit toute autre démarche. Ce credo est d’ailleurs un indice supplémentaire, révélant que la cause est douteuse.
Banquiers, entrepreneurs, intellectuels, artistes, chercheurs, citoyens, associations, partis, de gauche ou de droite, toutes les forces peuvent concourir à lutter contre un isolement de la Suisse devenu un réel danger. Mais rien d’utile ne sera fait, si le discours européen est enfermé dans un juridisme étriqué ou dans l’illusion d’un éternel non-choix. Ces artifices ont forgé l’échec actuel. Leur éradication est un préalable au succès.

RASA ou le temps des décisions claires

Crédule, la Suisse a suivi les chimères de l’UDC. Divinisant la démocratie directe, elle s’est fragilisée par des votations multiples aux conséquences incertaines. Diabolisant l’Europe, elle a saboté ses relations avec l’Union. Détournant l’histoire, elle s’est réfugiée dans des mythes passéistes.

Or, l’UDC est une machine à perdre! A terme, son action est vouée à l’échec. Parce qu’ils sont insensés, ses objectifs n’ont aucune chance de se réaliser durablement. Située au cœur du projet européen, la Suisse ne pourra jamais s’en affranchir. Soucieuse de sa stabilité juridique, elle devra réguler sa démocratie directe. Urbaine, elle ne redeviendra pas une petite méritocratie alpine.

Toutefois, l’UDC a la capacité d’entraîner, même provisoirement, le pays au fond d’un ravin, dont il sera très pénible de sortir. En fait, comme pour tous les mouvements populistes, la question n’est pas de savoir si les nationalistes suisses échoueront, mais quand ils seront mis hors d’état de nuire et au terme de quelles déprédations.

C’est tout l’enjeu des élections fédérales 2015. En effet, la prochaine législature sera décisive. Dans quatre ans, soit la Suisse aura reprit son intégration européenne, rénové sa démocratie et retrouvé le goût de l’innovation. Soit elle aura poursuivi ses régressions politiques et mentales, avec de graves conséquences économiques et sociales.

La Suisse déteste choisir. Elle croit toujours le statu quo préférable au moindre mouvement. Elle privilégie les demi-mesures même quand celles-ci n’apportent rien. Le problème est que certaines périodes de l’histoire exigent des orientations claires et précises. Pendant de longues années, la Suisse a pu naviguer à vue, marcher à reculons, tenter de gérer ses pulsions nationalistes sans les combattre. Cette procrastination politique n’est plus possible.

L’initiative RASA illustre parfaitement ce phénomène. En demandant une abrogation pure et simple des dispositions constitutionnelles contre l’immigration adoptées le 9 février 2014, elle propose une solution drastique. Ce n’est pas par hasard qu’une démarche aussi tranchée apparaît maintenant sur la scène politique. D’une part, les normes voulues par l’UDC ont créé un imbroglio ingérable. D’autre part et surtout, la Suisse ne peut plus tergiverser : elle doit choisir entre faire cavalier seul ou s’associer à l’Union, se recroqueviller dans un conservatisme nostalgique ou devenir un Etat moderne.

Certes, la brutalité de RASA rend son acceptabilité délicate, mais elle comporte aussi un triple mérite. Premièrement, elle préserve une issue de secours, quand toutes les pistes visant à concilier la restriction de la libre circulation des personnes et le maintien de la voie bilatérale s’avèreront impraticables. Deuxièmement, elle rappelle de manière tangible que la moitié des citoyens a refusé les propositions de l’UDC, constat susceptible de donner un peu de courage à un Conseil fédéral qui en manque tant. Troisièmement, elle indique que le peuple peut toujours revenir sur ses propres décisions, notamment quand il a été induit en erreur par une votation préconisant des contingents sans dire ouvertement que leur introduction entraînerait de facto la rupture des accords signés avec l’UE.

Cet automne, les citoyens devraient s’interroger sur l’UDC avec une netteté similaire à celle adoptée par la démarche RASA. Compte tenu des enjeux de la prochaine législature, n’est-il pas urgent d’organiser la décrue de la formation populiste? L’attentisme est-il encore possible ? Ne faut-il pas trancher dans le vif et donner une victoire sensible aux partis classiques ? N’est-ce pas du masochisme que de prolonger une calamiteuse domination d’un nationalisme haineux, qui ne produira jamais la moindre solution ?

Pour sortir de la crise européenne, l’issue risque bien de se nommer RASA. Pour éviter que la Suisse tombe au fond du ravin populiste, il convient de réduire nettement les effectifs de l’UDC aux Chambres fédérales. Le temps des décisions claires est venu.

Pour une vraie leçon de démocratie européenne

« Donner une leçon de démocratie à l’Europe », telle fut l’ambition d’Alexis Tsipras en organisant un référendum sur ses négociations avec ses créanciers.

Certes, nul ne conteste le droit des citoyens de se prononcer sur leur avenir ! La Grèce est exsangue. Elle étouffe sous une dette qu’elle ne peut rembourser. Une cure d’austérité drastique a mis son économie au tapis. Les drames sociaux se multiplient. Une sortie de crise devient chaque jour plus urgente. A l’évidence, la volonté populaire ne saurait être écartée de la recherche de solutions équitables et efficaces.

Toutefois, si la démocratie joue un rôle clé dans une société en danger, son exercice n’est pas sans exigence. En particulier, le recours au vote direct du peuple réclame de nombreuses précautions. Premièrement, la question posée doit être claire, stabilisée, susceptible de faire l’objet d’une information compréhensible. Deuxièmement, les partis, les associations, les médias et les citoyens doivent avoir le temps de développer leurs arguments, débattre et se faire une opinion. Troisièmement, condition essentielle pour que le peuple ne soit pas abusé, il est impératif que les principales conséquences d’une approbation ou d’un rejet soient connues.

Malheureusement, la démarche de M. Tsipras n’a pas satisfait à ces exigences. La question posée touchait une négociation en cours. L’opération fut conduite à la hussarde. Les conséquences réelles d’un oui ou d’un non étaient parfaitement ignorées, même du gouvernement. Dès lors, quel pouvoir a reçu le peuple grec, sommé de choisir entre deux chemins dont personne ne pouvait dire où ils menaient ?

En fait, le premier ministre grec n’a pas organisé un référendum, mais un plébiscite. Il n’a pas confié à son peuple une prise de décision, mais a exigé de sa part un acte de foi. Il ne lui pas donné la parole, mais a utilisé sa voix pour renforcer la sienne, dans une volonté d’augmenter son propre pouvoir. Cette instrumentalisation brutale est violente. Elle met les citoyens au service du gouvernant et non l’inverse. Elle les conduit en outre à cautionner l’inconnu. Quel sera l’état d’esprit des votants qui ont cru mettre fin à l’austérité si elle perdure, soit parce qu’Alexis Tsipras finit par accepter les demandes des créanciers, soit parce que la Grèce, même allégée de ses dettes, ne sort pas de la crise économique ?

Par ailleurs, le gouvernement Tsipras a organisé une asymétrie dangereuse entre un peuple grec présenté comme pur, juste, noble, victime, humilié et des dirigeants européens qualifiés d’arrogants, prédateurs, criminels. Déchaîné, il n’a pas craint d’assimiler les représentants des institutions créancières à des terroristes. Manichéen, il a peint d’un côté des prolétaires en révolte, de l’autre des élites illégitimes. Or la crise actuelle n’oppose pas un peuple à des bureaucrates, mais des peuples aux intérêts tous respectables. Dans cette optique, chaque Etat membre de l’Union peut organiser les votations qui lui conviennent, mais en restant conscient que leurs résultats ne s’appliquent pas automatiquement aux autres. Hélas, avec un simplisme attristant, la dramaturgie grecque a effacé les Portugais, les Italiens, les Français, les Polonais et tous les autres Européens. Quant aux Allemands, ils n’ont pas semblé constituer un peuple, ni même des êtres humains. Leur existence a paru réduite à une « puissance néolibérale » ou à la « dictature Merkel ». Question embarrassante, quelle serait l’attitude des travailleurs allemands si, par souci de démocratie, leur gouvernement les interrogeait sur la gestion de la dette grecque ?

Il est significatif que le plébiscite de M. Tsipras ait suscité l’enthousiasme de la gauche radicale, notamment française. Pour elle, la démocratie se résume à renverser la table, monter aux barricades, prendre la Bastille. De manière romantique, elle limite la participation du peuple à la séquence où il dépose le roi, pour ceindre à sa place la couronne de souverain.

Toute autre est la vraie démocratie. Pacificatrice, elle commence après la guerre, pour que celle-ci ne se reproduise plus. Mesurée, elle ne dresse pas les citoyens contre leurs dirigeants, mais organise leur dialogue. Permanente, elle dépasse l’addition de scrutins, pour instaurer un processus complexe de discussions et de consultations. Protectrice, elle construit des majorités, sans écraser les minorités. Humble, elle régit un territoire, tout en reconnaissant la valeur des démarches similaires autour d’elle. Vivante, elle encourage l’affrontement passionné des idées et des programmes, mais écarte par principe la violence.

Une telle culture de la décision collective, toujours turbulente, jamais destructrice,  fait encore défaut à l’échelon européen. Le Parlement et les autres instances démocratiques n’ont pas transcendé les invectives nationales. Or, sur notre continent, la défense des intérêts légitimes des peuples peut s’effectuer dans le respect d’une conscience européenne forte. La crise grecque livrera-t-elle demain cette vraie leçon de démocratie ?

Place à la négociation autonome

L’annonce de la prochaine nomination d’un « négociateur en chef européen » est à la fois dérisoire et inquiétante.

Dérisoire, puisque ce diplomate devra faire semblant de poser aux Européens une question dont la réponse est connue. Depuis de longs mois, Mme Ashton, Mme Mogherini, M. Juncker, le Parlement, les 28 ont indiqué à maintes reprises que la libre circulation des personnes n’était pas négociable. Ni des contingents, ni la préférence nationale, ni une clause de sauvegarde ne sont compatibles avec un principe qui est le socle des accords bilatéraux conclus avec l’UE.

Si d’ailleurs M. Gattiker avait obtenu la moindre ouverture sur la question migratoire, il n’aurait pas été mis sur la touche. L’enthousiasme du Conseiller fédéral Burkhalter indiquant une multiplication des efforts à partir des discussions effectuées s’apparente donc à la joie du salarié apprenant que sa rétribution est triplée, alors que sa fiche de paye est égale à zéro.

Inquiétante, parce que cette gesticulation fédérale n’a d’autre finalité qu’interne. D’une part, le terme de négociateur permet de relancer la fiction d’une vraie négociation, alors qu’il n’existe aucun mandat européen pour en ouvrir une. D’autre part, l’apparence de changement offre au Conseil fédéral une nouvelle tranche de silence, quand il faudrait impérativement dire la vérité pour espérer sortir de l’impasse.

Persévérant dans l’erreur, le Conseil fédéral entretient l’illusion qu’il sera possible d’introduire des contingents, tout en maintenant une voie bilatérale qui les exclue et doit en outre être repensée pour avoir une chance de survivre. Plus le temps passe, plus la sortie de ce déni de réalité sera cruelle.

Mais aujourd’hui, la Suisse croit utile de se leurrer pour ne pas trop souffrir. Elle préfère le mensonge collectif à la moindre réflexion sur son destin. Elle se bouche les oreilles pour ne pas entendre les avertissements venant de l’extérieur. Ainsi, après la « reprise autonome » du droit européen, elle a inventé la « négociation autonome ». Evacuant les questions de fond avancées par ses partenaires, elle se parle d’elle-même à elle-même, dans une sorte de jouissance narcissique et idiote, qui est en train de devenir une prison fermée à doubles tours.

L’initiative populaire ou l’irresponsabilité collective

En Suisse, l’opinion dominante affirme que le droit d’initiative populaire, joyaux de la démocratie directe, favorise la responsabilité des citoyens. Un examen sérieux de son fonctionnement infirme ce postulat.
Au départ, le comité d’initiative ne fait que lancer une idée ; nul n’est obligé de la cautionner et son destin dépend du peuple suisse. Dans le même esprit, celui qui appose sa signature au bas de la disposition proposée ne se sent responsable de rien ; il ne fait qu’accepter d’ouvrir le débat, sans être l’instigateur de la démarche, qui sera tranchée dans les urnes. Le jour de la votation, le citoyen raisonne de même ; on lui demande son avis, il le donne ; mais il n’est pas l’auteur de la proposition ; quant aux conséquences du résultat, elles sont du ressort du Parlement ; d’ailleurs, personne n’est en mesure de les décrire ; de surcroît, il n’a qu’une voix parmi des millions, ce n’est pas son vote personnel qui forgera la décision.
Avec des raisonnements similaires, le Conseil fédéral, les partis, les élus jouent leur partition, sans être ni le compositeur, ni le chef d’orchestre. Chacun produit sa petite musique, nul ne se sent en charge du pays.
Certes, une fois que le peuple a parlé, sa responsabilité est engagée. Mais il n’est qu’une entité anonyme, à la quelle rien ne peut être reproché et qui ne devra pas gérer les conséquences de ses choix.
Au plan institutionnel, le peuple a toujours raison et ses décisions ne peuvent être renversées que par lui-même ; cette convention est un axiome de base de la démocratie. Au plan politique, le peuple est aussi faillible que chaque être humain ; il peut se montrer juste, avisé, raisonnable, mais aussi sot, égoïste, haineux. Pourtant, il n’est jamais fautif, parce qu’il n’est pas une entité sociologique cohérente ; insaisissable, il n’est qu’un terme pour désigner la somme d’une incroyable diversité, où chaque individu compte autant qu’un autre.
Enfin, les médias ne sont pas responsables des errances de la démocratie directe, qu’ils ont le devoir de couvrir. Même quand ils mettent de l’huile sur le feu, ils ne font qu’amplifier les débats que certains acteurs veulent bien agiter.
L’acceptation de l’initiative contre l’immigration donne une illustration magistrale de ces phénomènes. Aujourd’hui, le désarroi est total face à des conséquences pourtant annoncées et parfaitement logiques. La Suisse a choisi d’attaquer la libre circulation des personnes, socle des accords bilatéraux qu’elle avait elle-même demandés. C’était son droit, mais elle ne pouvait espérer que cette rupture du contrat européen reste sans effet.
Or, au lieu de s’interroger sur elle-même, avec lucidité, au lieu de se demander comment elle en est arrivée là et comment sortir de l’impasse, la Suisse incrimine les autres, tandis que le Conseil fédéral se cache comme lièvre dans son terrier. Nouvelle charge de Bruxelles, les Européens durcissent le ton, la Commission intransigeante, les Vingt-huit sans pitié ! Tels sont les cris de l’opinion. Finira-t-on par dire que c’est l’Union européenne qui a voté contre la Suisse le 9 février 2014 ?
La démocratie directe est un système fascinant, qui donne la responsabilité aux citoyens, aime à dire en substance, Simonetta Sommaruga, Présidente de la Confédération. Vraiment ? Loin de la liturgie officielle, l’observation du réel montre au contraire que l’initiative populaire encourage souvent l’irresponsabilité collective.