Les votations fédérales sont comme les gares : un train peut en cacher un autre. C’est le cas du scrutin du 24 novembre, où la question des salaires équitables et celle de l’augmentation de la vignette masquent la proposition de déductions fiscales pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants.
Sans surprise, le projet 1:12 agite les esprits. D’une part, il pointe sans tabou la répartition toujours moins équitable des richesses. D’autre part, il imagine une rupture sans précédent avec la conception libérale de l’économie qui prévaut en Suisse. Pourtant, doutant de ses chances réelles, même la gauche qualifie la démarche « d’utopie constructive » ou « d’initiative de conscientisation ».
De même, les émotions qui entourent l’éventuel passage de la vignette à 100 francs étaient prévisibles. On ne touche pas à la voiture sans susciter les passions. On ne taxe pas les citoyens sans déchaîner les réseaux sociaux. Pourtant, ce sujet constitue au fond un enjeu d’importance limitée.
Pendant ce temps, une déconstruction sociétale risque de s’opérer. Si l’initiative UDC offrant une déduction fiscale aux parents gardant eux-mêmes leurs enfants devait aboutir, alors une incitation économique à maintenir les femmes au foyer serait donnée.
Faut-il rappeler qu’en mars un lot de petits cantons conservateurs a déjà fait échouer l’article constitutionnel permettant à la Confédération d’assurer une offre adéquate en crèches, garderies et structures d’accueil parascolaires ?
Voit-on les dangers démographiques, économiques, sociaux, culturels, que court un pays qui ne veut pas investir dans l’accueil de la petite enfance et mise sur le retour des ménagères ?
Dans ce contexte, on aurait pu imaginer une mobilisation de toutes les forces raisonnables contre le nouveau fantasme du « Tea Party helvétique ». Mais au pays de la concordance, il n’existe ni projet de société, ni contre-projet, pas de leadership clair, encore moins d’opposition structurée. Chacun avance d’abord ses pions sur le marché saturé des votations. Chacun dispute l’autre et gouverne avec lui. Le peuple se débrouillera bien pour trancher dans la jungle des initiatives. Et au lendemain de chaque votation