Par nature, la Suisse est un Etat réactif. Souvent, la « nation de la volonté » est aussi la nation de la volonté des autres. Craignant le changement comme la peste, la Confédération n’opère de grands choix politiques que sous la pression des circonstances extérieures.
La Lex USA illustre ce phénomène. Les Américains ont contraint les Chambres fédérales à trancher un vieux dilemme existentiel : La défense de l’Etat prime-t-elle sur celle de la place financière ?
Certes, la réponse donnée par le Parlement contient une part non négligeable d’indignation souverainiste. On refuse qu’une puissance étrangère pose à la Suisse une forme d’ultimatum. On n’admet pas qu’autrui se permette de donner une leçon gênante.
Réflexe pavlovien, ce mouvement de menton nationaliste exprime aussi le dépit de ceux qui savent que le train de la normalisation est parti. Dans tous les dossiers fiscaux et quels que soient les processus, la Suisse va devoir rejoindre les standards internationaux. Encore un pan du Sonderfall qui s’écroule !
Par ailleurs, le non à la Lex USA contient une affirmation positive qu’il convient de ne pas sous-estimer. Pour la première fois, le législatif ne suit pas à la lettre les consignes des banques. Mesure-t-on à quel point cette émancipation est nouvelle ? La Confédération deviendrait-elle un « Etat au sens plein du terme », dont la finalité dépasse la simple addition de conditions cadre utiles à sa place financière ?
Même si cette affirmation de la Suisse politique s’effectue en quelque sorte « à l’insu de son plein gré », elle opère un tournant décisif. Il existe désormais un Parlement qui ne réduit pas le destin du pays à celui de ses banques. Il n’est pas exclu que cette option soit durable. Merci aux Etats Unis d’avoir ainsi obligé la Suisse à se réinventer !
C’est une déroute ! Par près de 80% de non, les citoyens ont balayé l’initiative instaurant l’élection du Conseil fédéral par le peuple. L ‘UDC subit un échec et Christophe Blocher un sévère désaveu, lui qui avait entraîné son parti dans une « opération vengeance » suite à sa non-réélection au Conseil fédéral. A l’inverse, le Parlement, le Conseil fédéral et Eveline Widmer-Schlumpf sortent renforcés de ce scrutin.
En fait, le peuple connaît son pays. La Confédération n’est pas un vaste canton. Un Etat fédéral multilingue ne constitue pas un espace démocratique homogène, où les candidats auraient pu s’affronter de manière équitable. Le Conseil fédéral ne souffre pas d’un déficit de légitimité, mais d’un manque de cohésion. Et son élection directe aurait encore affaibli son peu de cohérence programmatique.
En clair, les citoyens n’ont pas voulu de sept campagnes électorales à l’américaine, permanentes et parallèles, où l’argent et le tapage médiatique auraient joué un rôle déterminant.
Manipulatrice, l’initiative de l’UDC reposait sur le dénigrement des Députés aux Chambres fédérales pourtant désignés par le suffrage universel. Paternaliste, elle véhiculait l’idée que le peuple, brimé par les élites, avait besoin de sept hommes forts pour être gouvernés.
Par nature, le populisme instrumentalise celles et ceux qu’il prétend servir. Il attise les insatisfactions pour s’en faire le remède. Sous couvert de démocratie, il cherche le développement de son propre pouvoir. Les Suisses semblent au clair sur ce genre de manœuvre. Aujourd’hui, s’agissant de la formation de son gouvernement, le peuple a désavoué le populisme.