La médiocrité de la culture politique suisse révèle celle de ses institutions
Evoquant la Suisse dans la dernière édition de L’Hebdo, Frank A. Meyer met en évidence son manque cruel de culture politique. A juste titre, il souligne la faiblesse des débats, la rareté des idées, l’incapacité de penser l’Etat. Simultanément, il qualifie le système suisse de chef d’œuvre, exemplaire et génial. Or ces deux affirmations forment un contresens magistral ! En effet, structures et vie politiques sont consubstantielles, comme le squelette et les muscles d’une personne. On ne peut pas les dissocier. Ainsi, la pauvreté du débat public est souvent la conséquence logique de mécanismes médiocres. Autrement dit, si la culture politique suisse est si faible, c’est notamment parce que les institutions suisses encouragent par nature l’éradication de la moindre pensée.
Morcellement des territoires, morcellement des enjeux en votations permanentes, morcellement de l’exécutif réduit à une addition de politiques contradictoires, parlement de milice, droit d’initiative favorisant le populisme jusqu’à l’absurde, ces déficits structurels produisent des effets majeurs sur les esprits. Dans un système basé sur la gestion sectorielle au coup par coup et au jour le jour, les connaissances historiques, la vision, le courage ne sont pas seulement pas inutiles, mais constituent une faute. A l’inverse, une prime est offerte aux tacticiens et aux comptables, férus de géométries aussi variables qu’éphémères.
Si Frank A Meyer vit des débats passionnants à Berlin, c’est aussi parce que les institutions allemandes, très habilement réformées après la guerre, offre un bon équilibre entre cohésion et décentralisation. Contrairement à la Suisse vitrifiée dans sa « Landesgemeinde nationale », ou à la France réduite à un affrontement binaire par l’élection présidentielle. Et si le cadre suisse était dynamique, sa culture le serait aussi. Par conséquent, aucun homme providentiel, aucun nouveau parti, aucune formule magique ne dispenseront la Confédération de repenser ses fonctionnements pour retrouver sa vitalité.