La Suisse ou la Peur? Post-scriptum

Notre livre « La Suisse ou la Peur ? » suscite des réactions des deux côtés de la Sarine. Nous nous en réjouissons. Notre proposition d’élire une Assemblée constituante échauffe les conservateurs. Nous y étions préparés.

Certains nous reprochent de ne pas avoir indiqué comment cette Constituante doit être mise sur pied. Or c’est à dessein que nous n’avons pas voulu fermer le débat par l’élaboration d’une feuille de route contraignante. Nous rappelons toutefois que les citoyens se prononceront bientôt sur l’initiative de l’UDC qui demande l’élection du Conseil fédéral par le peuple. Cette « cantonalisation » de l’échelon fédéral déséquilibrerait fortement le système, sans permettre une approche globale des institutions. A l’inverse, une Assemblée constituante pourrait se saisir de la question du gouvernement, tout en repensant de manière cohérente l’ensemble des pouvoirs. Concrètement, l’opération se déroulerait en deux temps. Les Chambres proposeraient tout d’abord l’élection d’une Assemblée constituante comme contre-projet à l’initiative UDC. En cas d’acceptation par le peuple et les cantons, la Constituante serait élue selon des modalités qui pourraient reprendre celles du Conseil national.

D’autres ont choisi de caricaturer des propos qui les dérangent, suggérant que nous n’avions jamais ouvert un livre d’histoire. Hélas pour eux, leur snobisme goguenard ne sert pas la Suisse. En effet, les dysfonctionnements qui légitiment notre démarche ne cessent de s’aggraver. Perte de l’intérêt général, xénophobie désinhibée, nationalisme exacerbé, mépris de l’Union européenne, ces faillites morales ravagent les esprits. Simultanément, une série de déficits structurels renforce ce climat délétère. Les lacunes d’une démocratie directe sans garde-fou, la faiblesse structurelle de l’exécutif, le statut d’amateur des Parlementaires, l’absence de règles sur le financement des partis, l’enlisement du fédéralisme dans les concordats et les conférences supra-cantonales, ces carences graves empêchent le pays de se tourner vers demain.

Certes, rien n’empêche de laisser la Suisse aux bons soins des circonstances. Rien n’interdit d’avoir les profits de sa place financière comme seule préoccupation. Telle n’est pas notre vision du bien commun. Patriotes, nous croyons utile de conduire une réflexion prospective, dont nous savons qu’elle irrite ceux qui se complaisent dans l’immobilisme et la vénération des mythes. Pourtant, existe-t-il d’autre manière d’affronter librement l’avenir ? Comme le rappelait Pierre Veya en titre de son dernier éditorial : « aux peurs, préférons le mouvement et l’action ».

François Cherix & Roger Nordmann