La Suisse ou la peur
Etrange démocratie. Une Conseillère fédérale s’en va. Aussitôt les calculs tacticiens se multiplient, tandis que les portraits des successeurs potentiels se succèdent. L’arithmétique fédérale et la psychologie des papables occupent le devant de la scène, alors que la question des choix politiques du gouvernement n’est pas posée.
De même, la campagne électorale pour le renouvellement des Chambres bat son plein, sans que l’avenir de la Suisse soit interrogé. Les candidats sont-ils sur facebook, la communication des partis est-elle plaisante, voilà les considérations qui agitent les esprits. Le style du décor passionne, alors que le destin du pays est laissé aux bons soins des circonstances.
Or la Confédération traverse une crise morale et structurelle. D’un côté, angoissée par les changements qui l’entourent, elle produit une monoculture nationaliste qui rejette les apports extérieurs et nie sa propre diversité. De l’autre, handicapée par des institutions conçues pour le 19ème siècle, elle ne parvient plus à donner une direction ni un sens à sa vie politique. J’en suis convaincu, elle ne sortira pas de cette impasse sans de profondes réformes.
Dans ce but, il est temps d’élire une Assemblée constituante fédérale. C’est la proposition que Roger Nordmann et moi développons dans ce livre qui vient de sortir. Refusant de voir le populisme figer la société suisse, persuadés que la Confédération est perfectible, nous estimons qu’il faut offrir aux citoyens un grand débat sur le contrat qui les unit. Prolongeant notre appel, une contribution de l’historien Sergio Romano porte sur le destin de la Suisse un regard particulièrement pénétrant.
A vous lecteur d’entrer dans le débat ! Faut-il rejouer Morgarten ou élaborer une pensée et des outils pour demain ? Quelle que soit votre position, elle influencera une société bloquée au carrefour entre l’exploitation de la peur et la rénovation de la Suisse.
François Cherix